Un mot d’amour pour l’amour des mots

Un mot d’amour pour l’amour des mots

Hommage à Alain Rey

2020, annus horribilis pour les amoureux des mots.

Nous avons perdu beaucoup de figures qui, longtemps, ont enchanté notre vie en mettant l’amour des mots au service de leur art : Mary Higgins Clark, Jean-Loup Dabadie, Tonie Marshall, Piem, Anne Sylvestre…

Mais nous avons aussi perdu celui qui avait fait de l’amour des mots un art à part entière : Alain Rey.

Parti à 92 ans sans jamais avoir été vieux, cet homme sans enfants laisse à ceux des autres un héritage inestimable.

Merci Monsieur Rey d’avoir été un si fabuleux conteur de mots. D’avoir cultivé l’ouverture et la vitalité de la langue française tout en préservant son histoire. D’avoir écrit un dictionnaire  qui se lit comme un roman. D’avoir osé le freestyle avec Big Flo et Oli , démontrant ainsi combien les mots peuvent être un lien entre les générations.

Sans mots il n’y a pas de langage. Et sans langage pas de communication.

Si notre lexique de base est trop étroit, nous perdons la capacité à comprendre l’autre, à exprimer notre point de vue, à nuancer notre jugement. Ce qui offre un terrain idéal au développement de la violence.

À l’heure où l’écrit est finalement un mode de communication beaucoup plus répandu chez les jeunes qu’il y a 30 ans, je vois l’amour des mots tel que le véhiculait Alain Rey comme un moyen ludique d’enrichir le vocabulaire et de désarmer les échanges sur les réseaux sociaux.

J’y vois aussi la possibilité pour les jeunes artistes, du rap notamment, de dépasser l’expression de la colère, de la transcender en moteur d’un changement positif. Nourrir son vocabulaire c’est nourrir son imaginaire et ses rêves.

Les mots ne sont pas l’apanage des élites. Ils sont une création collective offerte en partage à tous. Ils sont une richesse inépuisable.

Permettez-moi, Monsieur Rey, d’être votre humble disciple et d’essayer moi aussi d’aider les autres à jouer avec les mots pour mieux se les approprier.

Je n’ose imaginer tous les bons mots que vous, Jean-Loup, Tonie et Piem avez pu échanger en attendant de passer les portes du paradis… vous avez dû tellement rire.

Avez-vous dit à Saint Pierre que votre mot préféré était luciférienne ? Si oui, en bon latiniste, il n’a pas dû trop vous en tenir rigueur, connaissant pertinemment les origines de lumière de ce mot dévoyé !

Au revoir Monsieur Rey. Je n’ai pas eu la chance de vous croiser ici bas, la roue tournera peut être là haut…

Je tenais à terminer ce billet par une vidéo de vous. Le choix fut difficile. J’ai choisi celle où vous nous expliquez comment vous vous êtes consolé de l’apparition de l’anglicisme hashtag :